1949
L’art de Georgette DUPOUY
Après une récente exposition qui vient de sanctionner à Paris le résultat de plusieurs années
de recherches, sans doute le moment est-il venu aujourd’hui de souligner certains des caractères
auxquels la peinture de Madame Georgette Dupouy doit l’essentiel de son originalité.
Chaque toile exposée à la galerie BERNHEIM s’est signalée par l’émotion qui s’y trouvait exprimée.
C’est en effet la valeur sentimentale de chaque sujet qui incite Georgette Dupouy à peintre et
qu’elle s’attache le plus profondément à traduire. Il est donc logique de retrouver d’année
en année dans son œuvre certaines résonances identiques qui témoignent heureusement d’une
continuité dans l’inspiration. La peinture de Georgette Dupouy est une peinture subjective.
Un point de vue lyrique s’exprime avec fermeté. Chaque toile commente et illustre une émotion ;
en toute ingénuité, elle raconte une « histoire », sans abuser de l’anecdotisme ; elle apporte un message du cœur.
C’est pourquoi l’on s’attarderait vainement à rechercher dans une toile de Georgette Dupouy
les traces d’une composition préméditée : il s’agit d’une peinture profondément féminine, en dépit des apparences,
et toute empreinte de la spontanéité du premier jet.
L’affabulation colorée révèle immédiatement l’émotion de l’artiste ;
le tableau ne contient aucune de ces ambiguités par lesquelles la peinture masculine
se plait à laisser des questions sans réponse et à douer ses mystères d’une durée psychologique.
A travers l’univers du concret auquel Georgette Dupouy garde toute sa fidélité, chaque toile est
donc une sorte d’instantané qui nous révèle un paysage intérieur pesant et intemporel à la fois.
Si la féminité de Madame Georgette Dupouy se manifeste dans la liberté de sa composition,
ses couleurs témoignent au contraire d’une rare densité. Georgette Dupouy n’est pas de ces
artistes mièvres pour qui la peinture, bornant ses audaces aux pochades à base de cyclamen ou de bleu nattier,
répond au goût, si charmant soit-il, des « ouvrages de dames ».
Georgette Dupouy, au contraire, montre une prédilection pour les terres lourdes,
les ocres et les ciels sombres sur lesquels elle aime à jouer des rouges, des ors et des bleus profonds.
Sa palette est aux couleurs de l'ombre et des jardins de province. Elle est le signe d’un talent jeune et spontané,
qui sait se garder des systèmes et des certitudes trop bien assises, aborder la difficulté à la
façon des téméraires et poursuivre cette recherche du mieux sans laquelle il n’est pas de création authentique.
Jacques RICHARD (critique littéraire à « l’AURORE »)
Exposition BERHNEIM – Novembre 1949
Sans doute sont-ils nombreux, ceux qui finissent aujourd’hui par considérer l’art
comme une fonction usuelle, une profession dans laquelle on s’installe commodément,
une sinécure de tout repos. Pour d’autres, heureusement, il en va différemment.
ils répondent à une vocation, poursuivent une aventure en toute humilité ;
je dirais même en toute gratuité sans trop chercher à savoir ou elle risque de les mener.
Des années durant, ils couvent avec une patiente ferveur cette petite flamme dont ils ont
un jour découvert la présence en eux. Ils l’entretiennent inlassablement au prix des
mille petits sacrifices quotidiens qu’exige notre vie de plus en plus sordide et instable.
Ils dépensent sans compter une ingéniosité de tous les instants pour triompher des multiples
difficultés matérielles ou morales accumulées sur leur route. Et l’on s’imagine sans peine
à quel degré peuvent atteindre ces difficultés pour ceux qui sont ensevelis en quelque
recoin de province et astreints parfois à des besognes peu clémentes.
Cependant, ce sont eux qui détiennent la vérité car l’art retrouve ainsi son sens profond et
leur vie même se nourrit d’un espoir qui n’est pas qu’illusion et poussière au vent!
Tel est le cas de Georgette Dupouy qui ajoute aux habituelles préoccupations familiales,
le fait de vivre au fond des Landes. La force communicative de sa peinture,
l’exaltation joyeuse de sa couleur, la vigueur pleine d’assurance de son tracé,
sont nées de telles circonstances et mûries par une dure et sévère expérience.
Tout s’appuie sur cette foi intérieure qu’elle possède et qui flambe en elle
comme un heureux tourment. Art de simplicité conscient de ses limites,
mais sûr de ses possibilités et exigeant vis-à-vis des buts à atteindre. N’est-ce pas,
en somme, le meilleur moyen d’accéder au cœur même de l’être et de célébrer la vie comme in convient ?
Gaston DIEHL
Galerie Bernheim, 1er Décembre 1949
LES NOUVELLES LITTERAIRES
Le flâneur des deux rives
A la même galerie le style de Georgette Dupouy est plus paisible encore que la puissance
de son dessin et la robuste qualité de ses couleurs fait songer parfois à celui de Suzanne Valadon... »
ARTS
2 Décembre 1949
Dans cette rotonde discrète ou la lumière se fait plus adoucie,
Georgette Dupouy expose seize toiles seulement, mais il n’en faut pas davantage pour y lire son amour de la peinture,
sa sérénité, sa confiance au réel, une technique et une science dans les couleurs chantantes.
Georgette Dupouy vit à Dax, à quelques mille kilomètres de Paris, sans contact avec les musées,
sans vernissage hebdomadaire, sans influences et sans soucis de groupes ou d’écoles. C’est un peintre pur,
qui fait une toile parce qu’il aime s’exprimer à l’aide de couleurs et qui ne cherche à traduire que
sa réaction personnelle devant un sujet qui l’a ému et qui lui a plu. Ce qu’en peuvent dire ou
penser les analyseurs de système ne l’inquiète pas. Elle peint par amour, et, faisant ainsi,
réussit a être personnelle et à avoir sa palette, sa gamme de tons et son brio, car elle a un brio
et a su trouver une tonalité quasi systématique qui met en valeur les formes pleines et la texture des choses.
Le « bouquet triste » est résolument triste et ses zinias fanés dont la chair s’atténue en marron
fumeux et en jaune décoloré. Les paysages sont bien dessinés, les fêtes de nuit lumineuses à souhait.
C’est un bon peintre qui nous est révélé !
Jean BOURET
Paris 8 décembre 1949
Georgette DUPOUY réussit à être personnelle et à avoir sa palette, sa gamme de tons et son brio,
car elle a un brio ; elle a su trouver une tonalité quasi systématique qui met en valeur les formes
pleines et la texture des choses.
C’est là, un peintre « pur »
Les arts J. BOURET
1954 – Visite à l’atelier (à Guillon)
Dés sa première exposition particulière à Paris, en 1949, Georgette Dupouy
s’est imposée à l’attention des jeunes et des moins jeunes critiques,
de Gaston DIEHL à Jean BOURET, de René-JEAN et de Maurice BRILLANT à moi-même.
A aucun de nous ne saurait être attribué le mérite de l’avoir découverte ;
c’est simultanément que nous a frappés l’apparition d’un peintre inconnu et
qui pourtant manifestait déjà une étonnante maîtrise de soi et du métier, comme d’emblée, à l’improviste.
J’ai su, depuis, que Georgette Dupouy d’origine parisienne, vit depuis de longues années à Dax,
par devoir ; qu’elle n’a jamais fréquenté aucune académie, n’a rien appris de ce qui peut être enseigné
et que les séductions de sa peinture sont moins les conséquences de l’étude que celles de l’abandon à un heureux naturel.
Georgette Dupouy est peintre, née peintre, inexplicablement. Son lyrisme, nous touche.
Il est fondé sur une extraordinaire aptitude à concrétiser, dans une solide et savoureuse splendeur de la matière,
les vues d’un esprit sain et les raisons d’un cœur plein de tendresse. Son dessin serré, ferme,
qui ne craint pas l’accentuation du cerne a pu être comparé à celui de Suzanne Valadon.
Sa prédilection pour les caressantes arabesques à celles de Gauguin.
Mais, le sait-elle ?
Plutôt qu’à un parti délibéré, je crois de sa part à une pure et simple effusion.
Le style de ses tableaux me fait songer, plus qu’à d’autres peintres,
au charme pathétique de certaines voix de contralto, riches graves, veloutées, moelleuses,
qui remuent la chair d’abord, sans pour autant laisser d’émouvoir la pensée.
Que donne à ressentir cette voix humaine ?
La magnificence des ciels bleus, des blanches processions de nuages que le vent y conduit.
Vers où ? Le jaune d’or et le jaune soufre des couchants que répercute en orangers joyeux,
ou en violets funèbres, l’alignement des pins, le brun rouge des fougères,
les bouquets fanés aux beaux tons sourds… La vie, merveilleuse et poignante !
Maximilien GAUTHIER
« LA PITTURA FRANCESE »
Ed. Internationale d’Art : LA MANDRAGORE
MILAN - 1955
Comme celles de Ramsey se complètent avec celles de Missa, les compositions de Capron
(bals populaires, bals citadins, fêtes populaires surtout) sont compensées par les paysages
d’un autre peintre populaire combien sincère, Georgette DUPOUY de Paris.
Fervente, robuste, consciencieuse, comme l’a définie Jean Mozellan, dans ses œuvres agréables,
elle exprime une beauté sobre et touchante. Là ou on sent la joie de peindre, le contentement
des sujets simples avec lesquels on sent la communion de la joie des humbles.
Il n’est pas besoin de dire une autre fois sa confiance dans la figuration réelle,
la sérénité qui guide le jugement dans le choix des couleurs et des tons,
la sûreté de la technique des teintes joyeuses et chantantes.
Une exaltation fraîche et paysanne de l’humanité universelle, du travail tranquille et
de l’honnête existence campagnarde à travers les fleurs, les paysages, évocation solitaire et
séductrice dans leurs qualités purement et hautement picturale. Quelquefois la mélancolie corrompt
la source joyeuse et naturelle des teintes parisiennes, le sentiment triste sous un ciel humide
et sale mais un éclair d’espérance guide encore la perspective d’une route découragée dans
l’infini horizon dans lequel se perd la pluie. Une autre fois, la composition de l’habit
des jongleurs et des danseurs, des bohémiens, les gens du cirque avec des tons riches et inspirés,
tous en témoignent, non de leur vie de misère, mais de leur évasion de la vie.
De cette richesse incomparable propre à cette femme peintre une autre fois encore le dessin
s’accentue et ses fleurs possèdent une couleur vigoureuse, la poésie de la rue perd tout à fait
le masque ou se cachait la délicatesse. Tout son savoir sans préméditation, sans que Madame Dupouy
force la main à la couleur et à la composition et cela fait toute sa grande valeur. Cette grande dame peintre
(ou grande artiste) écrit Jean Albert Cartier, possède comme toutes les femmes le sens de la décoration.
Et cela est l’aspect qui, par dessus tout, retient de l’ensemble de ses œuvres, de celles par moitié
de fruits enchanteurs, de marchés, de mirages, de quelques natures mortes aussi…
Gabriel MANDEL
Museu de Arte de Sao-Paulo - 1965.
Fébrile agitation des heures qui précèdent et suivent un vernissage;
préoccupations multiples qui vous assaillent dans l’immédiat et vous poursuivent sans relâche;
promenades incessantes tout au long d’une salle immense; souci constant des invités,
de leurs amis, de tout un chacun; rêverie, vagabondage et délectation soudainement mis en veilleuse,
devoirs précis, interdits d’autant plus absolus qu’ils sont moins formulés; en un mot,
tout un faisceau d’obligations quotidiennement renouvelées qui me rendait attentif aux
moindres pulsations de mes visiteurs inconnus. Ce jour-là pourtant, dans le fastueux
Museu de Arte de Sao-Paulo que Son Excellence l’Ambassadeur Assis Chateaubriand venait,
en un geste royal, de mettre à la disposition des artistes de mon pays, je ressentis un double choc :
celui que l’on éprouve d’abord devant une œuvre intelligente et vigoureusement construite,
et parallèlement la conviction de le savoir partagé.
Sur ce plan, l’enthousiasme a parfois quelque chose de contagieux.
Alors donc que j’accueillais le Président SHIGUERUJUJIEDA et lui faisais les honneurs du Musée,
je le vis soudain marquer un temps d’arrêt pour s’immobiliser aussitôt devant une évocation de G.Dupouy.
L’opérateur de la T.V. à qui, dans la minute opportune rien de sensible n’échappait jamais,
braqua sur nous l’œil aigu de ses caméras.
Et dans un silence que leur ronronnement rendait encore plus expressif, une toile particulièrement
attractive livrait un peu de son secret et nous renvoyait toute l’électricité dont l’artiste l’avait chargée.
Privilège de certains travaux humains, sa présence s’imposait insinuante et ferme pour se révéler
étrangement vivante parmi des êtres de chair et d’os. Les jours suivants, je contemplais cette peinture
au charme envoûtant, craignant obscurément qu’une lecture superficielle ne m’eut abusé.
Et voilà que tout simplement je découvrais une âme, une grande âme limpide et cristalline
avec ses aspirations, ses luttes, ses émerveillements, et surtout cet humble amour de la tâche
quotidiennement religieusement accomplie.
Velléitaires et amateurs s’abstenir : l’univers enchanté de G.Dupouy ne leur appartiendra jamais et même,
il leur est irrévocablement fermé. On peut aimer son métier, c’est vrai, mais à ce stade,
il faut avoir le courage de s’enfermer des heures durant, de cultiver le rêve et l’émotion,
les soumettre au crible implacable d’une raison sans cesse en éveil pour enfin plier la matière
et la contraindre aux lois sévères des rythmes et des nombres.
C’est pourquoi j’aime ces masses hardiment colorées qui s’inscrivent dans les réseaux d’une solide
charpente pour plaquer des accords discrets ou chatoyants, ces tons francs, signes d’équilibre,
de robustesse et de santé; ces harmonies dont les résonances profondes sont une caresse pour l’âme,
une certitude pour l’esprit, une assurance pour le cœur. Solides vertus linéaires qui nous viennent
peut-être du fond des âges, de ces cavaliers coureurs de steppes, de ces Celtes énigmatiques amoureux
du trait précis, logique et sans bavure et que des générations d’hommes passionnés, amateurs de belles
lignes nous ont transmises.
Paysages sévères du Latium, grandes plaines flamandes inlassablement balayées par le vent de la mer,
ciels mouillés accablés de nostalgiques rêveries sur des landes infinies, vous êtes le point de
rencontre idéal où le recueillement, l’austérité et la poésie trouvent leur plus juste expression.
C’est pourquoi, devant cette richesse et cette plénitude, je ne peux m’empécher de penser à tous ceux qui,
depuis des dizaines d’années se sont faits les apôtres de la laideur la plus agressive, à tous ceux
qui sciemment ou inconsciemment, ont altéré l’esprit des maîtres, se sont livrés à des expériences
aussi gratuites qu’arbitraires, désorienté un public de bonne volonté et se sont montrés des exhibitionnistes
pleins d’arrogance, de désinvolture et de mépris.
Leur action néfaste ayant engendré des problèmes imprévus, notre vieil humanisme, élargi cependant
aux limites de la planète, en subira longtemps le contrecoup.
Il nous incombe donc de préserver sa force et sa vitalité, d’opérer les sélections indispensables
et de lui réserver, précieux apport, l’essence même de nos recherches et de nos réalisations les plus accomplies.
Tel est le sens profond du travail de G.Dupouy, son unique raison et son unique fin.
Pour nous ce n’est pas un message irrecevable, un rébus emmailloté dans des bandelettes
d’une écriture hermétique ou l’incompréhensible vaticination d’une sibylle ;
bien au contraire à portée de cœur et de regard, c’est un enrichissement spirituel,
une source bienfaisante où nous devons puiser fraîcheur et réconfort.
Eugène Michel Lepargneur. (Commissaire de l’Exposition)
Visite à l’atelier « à Guillon » - juin 1965
Depuis plus de quinze ans, avec une admiration pleine de sympathie, je regarde évoluer
et se développer l’art de Georgette Dupouy. Dés l’abord, j’en avais noté quelques caractères
fondamentaux : un appel certain de la splendeur tonale, une saveur quasi-matérielle de la matière mesurée,
des contrastes doux et forts, de l’éclat des couleurs, sorte de sensualité sublimée à un niveau spirituel;
une tendance complémentaire, sinon contradictoire, à un dépouillement particulièrement sobre,
à une nudité même qui était le véhicule le mieux approprié à une expression d’un jaillissement spontané,
d’une intensité percutante tout l’art oublié, et le cri du message se souciait si peu d’esthétisme
que l’exécutuion en paraissait naive en sa rude simplicité. Toujours dominait une totale unité,
et chaque élément de l’œuvre s’intégrait en s’élevant au plan de la conception première.
Le travail incessant de l’artiste peu à peu crée et perfectionne le langage technique qui convient
à son inspiration; Il en résulte une homogénéité accrue, et, les accidents de l’expression disparaissant,
une communication plus immédiate de l’artiste au spectateur.
Ainsi, reconnaît-on avec plus d’évidence, chez Georgette Dupouy une pensée mystique. Mysticisme
tourné vers la nature en un dialogue constant, non pour la transformer ou lui faire avouer un symbolique,
mais pour y trouver un miroir agissant et fidèle capable d’enrichir la pensée en elle projetée d’une
signification plus vaste, d’harmoniques plastiques alternent dans son œuvre les figures dont
la profondeur méditative, reflète celle de l’artiste, des fleurs ou les jardins aux magnificences
de paradis terrestre, les paysages dénudés aux accents jansénistes, les calvaires criant
à la fois le désespoir et l’espérance.
C’est pourquoi, chaque œuvre porte en elle même tout l’univers d’une âme qui s’y concentre
et en fait aussitôt éclater les limites. Il y a là bien plus que la contestable beauté d’une nature
« impassible théâtre » : il y a une confidence, un exemple, une présence humaine fraternelle
qui suscite la plus noble et la plus profonde démarche d’un homme devant l’œuvre d’un autre homme : la participation.
Robert VRINAT ( LE FIGARO )
GALERIE BRUNO BASSANO
9, rue Grégoire de Tours 75006 PARIS
8 décembre 1971
Bien que retirée depuis fort lontemps à Dax ou elle vit, solitaire volontaire,
dans un univers personnel, loin des bruits, des sollicitations entre ses animaux favoris,
les fleurs et les oiseaux de son jardin, ses souvenirs et sa peinture,
Georgette Dupouy a réussi ce paradoxe d’être connue presque dans le monde entier.
En effet, elle a exposé avec succés au Canada, à New York, en Amérique du Sud à Sao Polo,
à Londres, à Bruxelles, à Anvers, à Vienne, à Florence, à Rome, en Hollande.
Enumérer les prix et les distinctions qu’elle a glanés au cours de ses pérégrinations
serait fastidieux et dérangerait sans doûte sa sérénité.
Cette année, sollicitée à nouveau par New York, par Turin, elle a choisi Paris ou,
d’ailleurs, elle n’est pas une inconnue puisque dés sa première exposition en 1949,
elle a attiré l’attention « des jeunes et des moins jeunes critiques, de Gaston Dielh à Jean Bouret,
de René Jan et de Maurice Brillant à moi même »
Comme le souligne Maximilien Gauthier, dans la préface de son exposition.
Et il ajoute : « Georgette Dupouy est peintre, née peintre, inexplicablement.
Son lyrisme nous touche. Il est fondé par une extraordinaire aptitude à concrétiser,
dans une solide et savoureuse splendeur de matière, les vues d’un esprit sain et
les raisons d’un cœur plein de tendresse. Son dessin est serré qui ne craint pas
l’accentuation du cerne a pu être comparé à celui de Suzanne Valadon, sa prédilection
pour les caressantes arabesques à celles de Gauguin...»
Mais le sait-elle ?
« Plutot qu’à un parti délibéré, je crois de sa part, à une pure et simple effusion.
Le style de ses tableaux me fait songer, plus qu’à d’autres peintres au charme pathétique
de certaines voix de contralto, riches, graves, veloutées, mielleuses, qui remuent la chair d’abord,
sans pour autant laisser d’émouvoir la pensée » (Milan 1955, Gabriel Mandel )
En 1955, Maurice Bedel lui écrit :
« Votre peinture est saine et splendide, vous êtes un phénomène de rapidité, d’acuité, de sensibilité,
vous serez un des plus grands noms de l’époque, faisant suite aux plus grands noms de la peinture,
vous faites un apport à la tradition. Seulement, partout ou vous serez dans les groupes, on vous éliminera,
vous leur faites peur par votre franchise, vous êtes dangereuse, vous leur montrez leur nullité
et leus fausseté par le système. Mais, c’est vous qui vaincrez, prenez patience ».
La même année, à l’occasion d’une exposition internationale d’art à Milan, Jean Mosellan définit ainsi Georgette Dupouy :
« Fervente, robuste, consciencieuse, dans ses œuvres agréables elle exprime une beauté sobre et touchante.
Là, on sent la jois de peindre, le contentement des sujets humbles avec lesquels on sent la communion
de la joie des humbles ».
Gabriel Mandel à la même manifestaion, dit :
« Il n’est pas besion de dire une autre fois, sa confiance dans la figuration réelle,
la sérénité qui guide le jugement dans le choix des couleurs et des tons,
la sûreté de la technique des teintes joyeuses et chantantes. Une exaltation fraiche et paysane de
l’humanité universelle, du travail tranquille et de l’honnète existence campagnarde,
à travers les fleurs, les paysages, évocations solitaires et séductrices dans leur qualité purement
et hautement picturales ».
Oui, Georgette Dupouy a choisi cette honnète existence campagnarde pour préserver son âme de peintre
d’amoureuse de la nature, des choses simples ; un ciel bleu, un nuage poussé par le vent,
un humble bouquet, une nature morte. Lorsqu’elle abandonne les pinceaux,
elle aime retrouver dans sa bibliothèque ses livres. Certains portent la dédicace
d’un peintre ami comme François Desnoyer, Nicolas Eckman, Maurice Utrillo ou celle d’un homme de
lettres comme Maurice Bedel.
Rares, privilégiés, sont ceux qui sont admis à pénétrer dans son univers. Pourtant ce fut le cas
pour le critique Robert Vrinat en 1967 qui écrit, entr’autre :
« Georgette Dupouy est une artiste de tempérament, créatrice poétique avant tout…
L’œuvre de Georgette Dupouy possède une double racine : l’une est de sensibilité lucide,
de mystique pénétrante et dominée, l’autre est de ferveur picturale… Sa peinture montre
ce balancement mesuré qui va du cœur de l’Homme au cœur des êtres de la nature,
assure et perpétue le dialogue, en situe parfois le repos dans les intérieurs d’un calme
merveilleusement riche ; alors, sans perdre de vue les qualités humaines et les aspirations de l’esprit,
on se laisse aller à la joie de contempler une véritable peinture,
d’entendre un langage spécifiquement plastique, un langage de coloriste,
d’artiste qui ne fait aucune concession à l’anecdote, ni au cérébral ».
Récemment, Jean Michel Guillot a consacré un grand article à Georgette Dupouy dans
lequel il dit toute sa joie d’avoir découvert son univers féérique et il termine en disant
que tout annonce qu’elle est sur le point de présenter ses œuvres et que c’est du moins ce
qu’espèrent tous ceux qui chez nous manifestent à l’égard de Georgette Dupouy,
un sentiment de respect pour la foie créatrice qui l’anime.
Ce jour est arrivé, à Paris dans ma galerie, à vous de juger...
Bruno BASSANO
Paris, le 21 septembre 1997
J’ai découvert la peinture de Georgette Dupouy peu après la fin de la guerre 39/45.
Elle était le contraire de celle que j’aimais et que je défendais, celle deBazaine,
Pignon, Estève, Lapicque, Manessier et du dacquois Léon Gischia.
Elle en était le contraire, et cependant elle me séduisit. Ce fut d’abord par son indépendance,
elle sortait des chemins battus et ne sacrifiait à aucune des formules à la mode alors ;
elle était ce qu’elle était, ce que Georgette Dupouy avait eu le besoin, la nécessité de dire.
Son originalité allait de pair avec sa sincérité.
Ce fut une chance, me semble t’il, pour son auteur d’avoir été une autodidacte, ignorante,
ou peu au courant de l’Art de ses grand aînés, fut-ce Gauguin ou Valadon dont on l’a rapprochée,
à mon avis du moins, d’une façon peu convaincante. Les cernes dont elle entoure volontiers
ses formes n’ont pas la fonction décorative qu’ils possèdent chez l’un, ni le pouvoir descriptif
dont ils s’acquittent chez l’autre.
Ils me paraissent l’effusion d’un dessin qui ne se résigne pas à disparaître sous la matière
très trévaillée, très riche, qu’elle se plait à obtenir en couvrant couches de couleurs sur
couches de couleurs, jusqu’à faire de sa pâte un émail qui à la fois reçoit la lumière et la réverbère.
Phénomène qui donnait à la couleur de Georgette Dupouy un éclat surprenant dans une peinture –
c’était vers 1947 – sombre, contrastée, pathétique, en accord avec les années tragiques que nous venions de vivre.
Plus tard, elle changera de palette, preuve de sa perméabilité au temps qu’elle expérimentait, preuve,
autrement dit de sa sincérité, ou peut être mieux, de sa vérité.
Et c’est sans doûte là sa qualité dominante. Elle a été vraie, absolument vraie, vraie d’une vérité
qu’atteste toute sa peinture et qui en fait le prix.
Bernard DORIVAL